Avec Mythes et Meufs, Blanche Sabbah nous fait la démonstration que la plupart des grandes figures féminines que nous connaissons, qu’elles soient issues de l’Histoire, des contes ou de la culture populaire, sont quasiment systématiquement perçues à travers le prisme masculin. Ces femmes fortes et courageuses sont souvent perçues comme dangereuses et castratrices. Avec la volonté de prouver l’importance de réinterpréter nos mythes au fil du temps, l’autrice nous offre avec cette nouvelle BD haute en couleur une analyse et relecture profondément féministe et beaucoup plus juste de ces figures mythiques. Le ton est joyeux, les illustrations amusantes, une lecture qui fait du bien !
Forough Farrokhzâd est une poétesse iranienne, personnalité célèbre dans son pays bien que très controversée car c’est une femme qui a toujours fait figure d’artiste libre et indépendante. Publié en 1963 ce recueil est sa dernière publication de son vivant, il est aussi son plus connu. Elle y évoque par un lyrisme magnifique, ses aventures amoureuses, sa solitude de femme dans un monde patriarcal, sa place sur terre, son ressenti face à une modernisation qui lui semble fausse. De ces vers se dégagent une force tranquille, et une grande lumière.
La narratrice de Sauvagines, Raphaëlle, est agente de protection de la faune dans la forêt du Kamouraska à l’est du Québec. Convaincue par la cause écologique et animale, elle traque les trappeurs qui braconnent sur le territoire dont elle a le contrôle. Mais un jour tout dérape, de chasseur elle devient peut-être proie. Sauvagines, c’est un magnifique texte de nature writing au féminin, un cri de révolte écologique mâtiné d’un peu de thriller.
Yôko Ogawa nous livre par ce roman, à la frontière du fantastique, une expérience onirique surprenante. Les personnages paraissent hors du temps, de nos valeurs, flottants dans le monde vivant liés par le souvenir d’êtres aimés. Le livre commence chez la protagoniste qui vit dans une ancienne école maternelle, tout y est trop petit et elle s’y est habituée. Elle seule peut traduire pour monsieur Baryton, un homme qui ne peut parler qu’en chantant, les lettres d’amour qu’il reçoit tant l’écriture de sa bien-aimée rapetisse avec le temps. Ensemble ils se rendent à des concerts « de soi à soi », où chaque participant porte à son oreille un minuscule instrument de musique qui contient des cheveux de son enfant perdu. La vie suit son cours, décalée. Tout se passe avec une grande douceur, chaque mot compte. Un livre paisible.
Zep, après The End et Paris 2119, interroge une nouvelle fois ce que sera notre monde de demain, et notamment l’humain augmenté. 2113, Databrain est une société qui propose à une élite la possession d’un cerveau qui permet de stocker tout le savoir nécessaire et vivre des expériences ultras augmentées. C’est le cas de Constant qui profite de toutes ces avancées jusqu’au jour où son cerveau numérique se met à bugger. Se retrouvant en dehors de ce cocon et sans traces de mémoire, il devra partir en quête de son identité et découvrir un monde détaché de toutes technologies. Une vision sombre de notre société adoucie par un trait délicat et maîtrisé.
Après avoir tourné en ridicule Jules César, les auteurs de Salade César s’attaquent maintenant à Napoléon Bonaparte. Et tourné en ridicule, c’est peu dire ! Exilé sur l’Île de Sainte-Hélène, prisonnier des Anglais, celui-ci entreprend de faire écrire ses mémoires en attendant de s’évader. Nous découvrons alors un Napoléon délirant, qui fait des caprices d’enfant gâté, raconte n’importe quoi, tourne l’histoire à son avantage, toujours de manière complètement absurde. C’est à mourir de rire !
Encore une truculente aventure pour la pire canaille des mers du sud, les meilleurs, la pire terreur des cinq océans. Un prénommé Barbechat, flibustier redoutable, a jeté une bouteille à la mer et promet une belle récompense à toute personne qui lui viendrait en aide. Ni une ni deux, les chiens pirates prennent la mer et sont prêts à affronter tous les dangers. Un récit qui rebondit de jour en jour, où la tendresse, l’humour et la dérision sont encore de la partie. Les chiens pirates à découvrir au plus vite ou à retrouver dès 4 ans.
Quelle joie de retrouver les illustrations de Fanny Ducassé ! Un rat vivait caché dans un grenier poussiéreux car il se trouvait disgracieux, et désespérait tous les jours devant son miroir de ne pas ressembler à autre chose que lui. Un jour de cueillette, alors qu’il s’émerveillait devant la beauté d’une mésange, celle-ci l’aperçut et lui proposa de l’emmener voir le monde de plus haut… Un album magnifique à dévorer en famille à partir de 4 ans.
Arsène et Bartoli, deux oursons taquins et gourmands, vivent dans une forêt qui les a vu grandir. Pourtant un jour, une aventure rocambolesque va leur arriver. Sous les traits de Clothilde Perrin et avec le verbe de Michael Escoffier partez en escapade au sein d’une forêt pas tout à fait comme les autres… Un joli conte saupoudré de magie à dévorer en famille.
Le temps d’une nuit, Vadim Baranov dans le livre, Vladislav Sourkov dans la vraie vie, nous raconte comment de metteur en scène de théâtre, puis de producteur d’émissions de téléréalité, il deviendra, poussé par les oligarques de l’ère de Boris Eltsine, l’éminence grise de Vladimir Poutine. À travers sa voix, c’est une véritable plongée dans les arcanes du pouvoir russe où la désinformation et la manipulation règnent et surtout où la verticalité du pouvoir transforme la démocratie en système autoritaire. Brûlant d’actualité et glaçant.
Depuis la publication de Gomorra où il racontait sa terre napolitaine peuplée d’ombres et de morts, Roberto Saviano vit sous protection policière permanente, soit depuis quasiment cinq mille cinq cents jours. Et pourtant, malgré la dépossession de sa vie, il a fait le choix de ne pas se taire. Sous les traits vifs et acérés d’Asaf Hanuka, dessinateur israélien, Roberto Saviano se met à nu dans cette bande dessinée. Si le lecteur de Gomorra n’avait pas saisi le renoncement individuel de Roberto Saviano à sa vie et à sa liberté au nom d’un attachement à des valeurs universelles et humanistes, le lecteur ne peut plus ici l’ignorer avec cette chronique de sa vie bouleversée. Son œuvre est nécessaire.
Claire Castillon signe un roman nécessaire destiné tant aux adolescents qu’aux adultes sur le difficile sujet de la pédophilie et du viol. Par une écriture acérée, où chaque mot est choisi, elle nous attrape dès les premières lignes et nous entraîne dans la tête de Lili, jeune fille de quinze ans sous l’emprise d’un adulte depuis ses huit ans. Une lecture vertigineuse…
Depuis que la Petite Hiver a disparu, les habitants du village de Brume sont inquiets car la Grande Hiver sème le chaos et le village est menacé par les vols des trolls. L’oncle d’Alfred, Ragnar, décide d’en finir et part en expédition pour ramener les objets dérobés. Mais rien ne se passe comme prévu. Alfred qui l’a suivi à son insu devra déjouer les dangers de la forêt pour retrouver au plus vite son oncle disparu. Un joli conte moderne empreint de mythologie nordique magnifiquement illustré par Tristan Gion où magie, trolls, sortilèges sont les ingrédients pour captiver les plus jeunes à partir de 9 ans.
Piégés dans la « zone grise » de la Crimée entre l’armée ukrainienne et les séparatistes prorusses survivent Sergueïtch et Pachka. Ennemis depuis leur enfance, leur vie s’organise dans le village entre la rue Chevtchenko et la rue Lénine. L’un pactise avec les Russes, l’autre élève des abeilles. Sergueïtch finira par quitter le village avec ses ruches sous le bras et embarquera le lecteur dans un roadtrip à travers le pays à la recherche d’un endroit où s’installer. Les situations sont toutes plus ubuesques les unes que les autres, de quoi faire sourire le lecteur à chaque page. Si vous n’avez jamais lu Andreï Kourkov, courez dévorer ce livre qui au détour d’un mot truculent vous apprendra bien plus sur la situation en Ukraine que n’importe quel journal télévisé !
L’histoire se situe à l’époque médiévale, au cœur d’un royaume au bord de la guerre. Un cri dans la nuit. La reine meurt assassinée, défenestrée. L’urgence est de prouver qu’elle ne s’est pas suicidée, car elle serait alors excommuniée avec toute sa lignée, ce qui empêcherait ses fils de succéder au roi. Le temps presse, les complotistes ne se font pas prier et, pour les devancer, le roi confie l’enquête à Orenç, le prêtre du palais royal, car il détient le pouvoir du confessionnal, idéal pour mener une enquête sans éveiller les soupçons. C’est ce dernier que nous suivrons, plongeant dans les plus grandes intrigues du palais royal, tiraillé entre son désir d’aider le roi et son devoir moral envers Dieu. Palpitant.
Comme dans sa précédente bande dessinée Béatrice, Joris Mertens met en scène un anonyme, François, employé et livreur dans une société de pressing où ses journées semblent se répéter indéfiniment. Seules Maryvonne la buraliste qui toutes les semaines valide sa grille de loto et sa fille Romy lui permettent de sortir de cette morosité et même de rêver à la vie qu’il s’offrirait à leurs côtés si ses numéros fétiches venaient à sortir… Le récit est très cinématographique où les scènes alternent entre scènes muettes et scènes dialoguées, entre graphisme maîtrisé et réel travail de la lumière. Brillant.
Après les néopaysans et Pandémie, une production industrielle, Lucille Leclair nous offre une nouvelle enquête passionnante, riche de reportages où l’on découvre le véritable hold-up qu’est l’accaparement des terres agricoles par les grandes entreprises. Loin de l’idéal des micros fermes nourricières, le territoire français se transforme et la production agricole est modifiée. Pourtant : « aucune activité humaine, même la médecine, n’a autant d’importance pour la santé humaine que l’agriculture » (Pr. Delbert). Lucille Leclair questionne notre rapport à la terre et propose des solutions pour entraver ces phénomènes. Une enquête d’investigation à lire absolument.
Al et Trig, frère et sœur jumeaux, sont conviés, après deux années de silence radio, par leur père Bill, à « une dernière aventure ». Un mois à sillonner ensemble, en canoë, les lacs du Canada. Mais un départ au mois de novembre, et une préparation beaucoup trop légère va transformer cette randonnée en véritable cauchemar. Avec sa plume toujours tout en délicatesse, Pete Fromm nous emmène dans l’intimité de ses personnages, au cœur des relations familiales. Et c’est avec plaisir qu’on retrouve les thèmes chers à l’auteur, les grands espaces, la résilience la mort, l’aventure et l’amour.
Il y a des corps que je sais Sans les connaître Qui sont le contraire des catastrophes Qui ne font naître que la joie Avec ce nouveau recueil, Simon Johannin nous offre à lire une poésie simple et lumineuse. C’est une invitation à ouvrir les yeux sur les sensations qui nous confrontent, pour le meilleur et pour le pire. Une poésie charnelle, passionnée, et remplie de symboles, comme un bagage spirituel pour conjurer nos peurs.
Avec ce premier tome d’une nouvelle série qui s’annonce captivante, partez aux côtés de Miyo et ses deux compagnons, son maître l’ascète En No Ozuno capable de voyager entre les dimensions et un autre disciple, Zenki, à l’histoire pour le moins inquiétante. À une époque très reculée de l’humanité, où les dieux et déesses habitent encore les montagnes, nos compagnons vont partir à leur rencontre au péril de leur vie afin d’obtenir des informations et de puissants artéfacts qui aideront l’ascète à accomplir son objectif encore bien mystérieux. À partir de 12 ans.
Comme chaque année, les enfants du monde entier participent au Concours de cabanes. Cette année les enfants ont été particulièrement inspirés, cela ne va être facile de les départager. Cabane du camphrier, cabane du Cyprès des marais mexicains, cabane du chêne ou encore cabane du baobab, prenez un peu de hauteur et faites jouer votre imagination sur la canopée. Un album qui invite petits et grands à la rêverie. Mais attention, vous aurez sûrement envie de construire une cabane ensuite. À vos scies, marteaux et clous !
Prix Goncourt de la Nouvelle 2022, Le musée des contradictions est une ode à la liberté. Antoine Wauters y donne tour à tour la parole à un vieil homme évadé d’un EHPAD, des jeunes confinés en excursion illicite à la mer, ou encore une femme qui regrette sa maternité. À travers ces douze « discours » aussi farouches que poignants, c’est toute une société qui se livre, s’interroge ou s’indigne sur sa place dans un monde aux repères fugaces. Un texte à la fois politique et poétique, qui sublime ce que nous avons de plus humain en nous : notre capacité à douter.
Avec Les nuits bleues, Anne-Fleur Multon signe un témoignage essentiel : celui d’une rencontre, lumineuse et charnelle, entre deux femmes dans un Paris confiné. Au fil des pages, ce texte autobiographique nous fait revivre la naissance du sentiment amoureux et du désir, des premiers soubresauts aux déflagrations les plus intimes. Un roman étourdissant, dans un style résolument moderne et d’une infinie poésie.
Après nous avoir conté la renaissance de son jardin dans L’oasis, Simon Hureau nous embarque en voyage aux côtés de Max Audibert, qui, à peine adulte, quitte sa ville natale de Marseille pour rejoindre le Groenland de l’est et accomplir son rêve : chasser le phoque. L’adaptation pour un non inuit relève de la ténacité tant le climat est redoutable et où le moindre faux pas peut coûter la vie. Mais Max Audibert est déterminé et finira même par œuvrer pour la transmission des savoirs- faire ancestraux de la culture inuite. La nature et les paysages sont de toute beauté et sont magnifiés par les aquarelles de Simon Hureau. Dépaysement garanti.